Presqu’île de Tahiti
Sur la presqu’île, ou Tahiti Iti, plusieurs dispositifs de gestion et de conservation des espaces lagonaires sont présents sur différentes communes associées. Notre équipe a engagé dès 2019 des travaux sur les deux communes de Taiarapu-Est et Taiarapu-Ouest. L’enjeu de notre intervention est double. Il s’agit (i) d’accompagner l’optimisation des dispositifs en vigueur et (ii) de renforcer les compétences des comités de gestion pour mettre en place un management adaptatif.© Ewen Morin
20779
habitants en 2017
320 km²
de terres émergées
1000 ha
d’espace maritime protégé
Tahiti Iti, située au sud-est de Tahiti, est composée de deux communes : Taiarapu-Est et Taiarapu-Ouest. Plusieurs Zones de Pêche Réglementée (ZPR) ou rāhui sont présents dans les eaux qui les côtes de la presqu’île.
En 2014, la commune de Teahupo’o au Fenua Aihere ouvre la voix avec le classement d’une portion de son espace maritime en « aire protégée de ressources naturelles gérées », une disposition prévue par le Code de l’environnement de la Polynésie française. À partir de 2018, les communes associées de Pueu, Afaahiti et Tautira emboitent le pas en créant à leur tour des ZPR. Avec ces dispositifs, les communes encadrent les pratiques de pêche : dans certaines zones toutes les pêches sont interdites – quelle que soit l’espèce ou la technique utilisée – dans d’autres certaines pratiques sont autorisées à titre dérogatoire : c’est le cas par exemple de la pêche aux ature (chinchard en français ou Selar crumenophthalmus) au grand filet, autorisée seulement quelques heures en journée dans la ZPR de Tautira.
Ces espaces sont gérés par des comités de gestion, établis pour assurer le suivi des zones et formuler des propositions de gestion. Ces dispositifs ont pour but de garantir une utilisation durable des ressources lagonaires.
Sur la presqu’île de Tahiti, notre équipe se concentre sur (i) la production et l’analyse de données relatives à l’état écologique et l’état des stocks, sur (ii) la formulation de scénarios améliorés visant à optimiser la gestion des ressources lagonaires et sur (iii) la formation des comités de gestion.
CE QUE NOUS AVONS FAIT
Évaluer la qualité des eaux et l’efficacité des dispositifs de gestion
Nous avons mené en 2020 une campagne mensuelle de relevés de plusieurs paramètres visant à analyser la qualité des eaux sur différents sites de la presqu’île.
Nous avons réalisé, entre autres, des comptages de poissons, caractérisé le substrat, relevé le PH, les températures, les niveaux de salinité ou encore les niveaux de concentration d’oxygène dans l’eau. Par ailleurs, sur la base d’une étude réalisée à Palau indiquant que “les champs de taro et les mangroves protègent les récifs coralliens en piégeant les sédiments » nous avons élaboré un protocole pour mesurer la capacité de rétention des sédiments de différents type de milieux terrestres (plantation de taro, mangroves, espaces fortement anthropisés, etc.).
Plus d’une cinquantaine de pièges à sédiments ont ainsi été déployés et relevés tous les mois.
Le dépôt de sediments est une des plus importantes menacent auxquels sont confrontés les récifs coralliens […]. L’étude documente les effets de filtration des zones humides cultivées, en l’occurrence les champs de taro (Colocasia esculenta) […].Les analyses montrent que les champs de taro filtrent jusqu’à 90% des sediments.
Koshiba, 2013
L’analyse de ces données permettra d’établir des comparaisons entre les différents sites pour évaluer l’efficacité des ZPR et l’impact de différents types d’aménagements des littoraux sur la pollution des lagons par les sédiments. Les résultats permettront de formuler des propositions pour améliorer les dispositifs en vigueur, soit en renforçant les règles soit en réorientant les stratégies de gestion.
Caractériser la diversité des taros cultivés
Nous avons mené une enquête pour recenser les différentes espèces de taros cultivés sur la presqu’île et caractériser les échanges liés à cette plante, culturellement très importante en Polynésie française et dans l’ensemble du bassin Pacifique. Nous avons cherché à identifier les raisons qui motivent les agriculteurs et agricultrices à choisir telle ou telle espèce plutôt qu’une autre : l’enjeu de ce travail est d’identifier les espèces les plus résistantes et résilientes au changement climatique. Nous avons également confronté la diversité variétale cultivée aux préférences des consommateurs pour évaluer l’intérêt ou la pertinence d’étendre la culture de certaines espèces identifiées comme résilientes.
Imaginer des scénarios de préservation ou de gestion des espaces lagonaires à l’échelle des bassins versants est primordiale pour augmenter l’efficacité des mesures circonscrites à l’espace maritime. L’association de plantations de taro adjacentes aux Aires Marines Gérées pourrait ainsi être envisagée dans des scénarios d’optimisation des ZPR.
CE QUE NOUS PRÉVOYONS DE FAIRE
En 2021, nous allons concentrer nos efforts sur Tautira et Teahupo’o afin de déployer un protocole de suivi des ZPR et rāhui fondée sur le suivi de taille des poissons. Nous expérimenterons un dispositif collaboratif de recueil des tailles de poissons commerciaux. Associer les hommes et les femmes qui pêchent à la collecte des données est pertinent pour plusieurs raisons :
- Mobiliser et recueillir les savoir écologiques locaux pour gagner en efficacité dans la conception et la mise en œuvre du protocole de suivi ;
- Favoriser l’acceptation et la légitimité du projet en tenant compte de l’organisation sociale et des pratiques ou valeurs culturelles ;
- Transmettre des compétences et des savoirs nouveaux localement pour assurer, sur le long terme, l’autonomie des comités de gestion dans le recueil et l’analyse de données.
Outre le recueil de données, les communautés locales seront formées à la conception et la mise en œuvre des dispositifs de suivi-évaluation écologique et halieutique. L’enjeu est de permettre aux comités locaux de gérer de manière autonome les ZPR et rāhui et de faciliter les réorientations et ajustements suivant les résultats issus des collecte de terrain.